Recueillir, Retenir, Régénérer – les défis de l’eau et du sol en zone semi-aride – Rencontre du 09 /02/2023 à Paris et en visio

Enjeux globaux et Réponses à taille humaine dans le Massif du Siroua (Maroc) et ailleurs.

Les changements affectant le climat se manifestent partout dans le monde à travers des pluies plus rares et plus violentes, des inondations, des feux de forêt et la perte de biodiversité. L’eau de qualité destinée à l’alimentation devient rare sur tous les continents et nous oblige à penser des usages adossés à de nouvelles formes de solidarité.

Ces phénomènes rendent impératif la modification de notre rapport à l’eau. Comment en faire une ressource durable qui préserve la vie et les écosystèmes de nos territoires respectifs pour les générations futures ?

Des réponses existent
Elles se situent principalement à l’échelle locale, dans une approche concertée. Cela suppose un fort investissement dans la gouvernance des territoires, par l’institution d’espaces de délibération qui devront réunir, sous des formes à adapter aux contextes locaux, des acteurs porteurs de légitimité.

Par leur statut de patrimoines transmis par les sociétés locales de génération en génération, l’eau et les systèmes de gestion associés, constituent ainsi un bien commun territorial. A l’heure de la transition écologique, sa gouvernance implique une transformation des relations entre les acteurs, intégrant les systèmes traditionnels de gestion et les institutions modernes, pour construire des systèmes résilients, aptes à recueillir, retenir l’eau et régénérer les sols en mobilisant les éléments naturels tels que le soleil, la terre et les végétaux.

La rencontre du 9 février 2023 a présenté des constats et des solutions
La rencontre, hébergée dans les locaux de l’AFD, a fait dialoguer universitaires et chercheurs, responsables administratifs, experts et associatifs engagés dans des actions de terrain.

Pr. Thierry Ruf, agronome et géographe (hydronome), directeur de recherche à l’IRD – UMR SENS Savoirs, Environnement et Sociétés
Les territoires de l’eau sont complexes. Ils réunissent des lieux producteurs de ressources et des lieux de consommation, parfois éloignées et reliés par des systèmes de circulation de l’eau souterrains et de surface, naturels ou construits. La modernisation génère un accroissement des consommations, couplée à la raréfaction des ressources, susceptibles d’aboutir à la rupture de ces liens et obligeant à reconsidérer le fonctionnement des territoires.

 

Pr. El Hassan El Mahdad, (en photo) enseignant-chercheur géographe et Pr. Lakbir Ouahjou, enseignant-chercheur géographe émérite. Tous deux : Université Ibn Zohr, Agadir (en visio)
Le Massif du Siroua, ancien volcan, château d’eau des régions du Souss Massa et Draâ Tafilalet subit  fortement   les    effets    d’un  changement global : climatique et anthropique (surexploitation des pâturages, introduction d’activités nouvelles). Le décalage entre ressources et besoins en eau s’accentue. Sa réduction passe par des aménagements mais aussi de nouvelles règles d’organisation sociale impliquant notamment les communautés agraires.

 

Barbara Dzialoszynski, ingénieure agronome, ancienne responsable de service gestion de l’eau du Département de la Drôme.
La gouvernance territoriale de l’eau en France mobilise une ingénierie technique et d’animation pour mener la concertation, celle-ci passant par la reconnaissance des acteurs concernés, la recherche de complémentarités et de réciprocités et la multiplication des espaces de dialogue. Partant d’un diagnostic partagé, il s’agit de construire une vision commune, de définir des règles et de mobiliser des moyens. La Loi fixe le cadre de la démarche, la souplesse résidant dans la façon de mener la concertation. Cette gouvernance mobilise des moyens financiers, humains et organisationnels importants.

 

Lhou Marghine, coordinateur de l’association SENS ( Solidarité Echange Nord Sud ), Bordeaux.
La lutte contre l’érosion des sols menée depuis 20 ans sur les flancs de la vallée d’Assif Melloul dans le Haut Atlas marocain a combiné des solutions mécaniques (terrasses et seuils de pierre) et surtout biologiques (plantes résilientes : épine vinette et groseillier sauvage). L’installation en cours d’une pépinière de ces plantes devrait permettre une extension de ce procédé, pour accélérer la re végétalisation des espaces dans le Haut Atlas et ailleurs.

 

Olivier Hébrard, Consultant en agroécologie, permaculture, gestion intégrée de la ressource en eau, autonomie.
Les expérimentations pratiquées sur le Massif du Siroua ont porté principalement sur des aménagements de bassins versants. Ceux-ci constituent une réponse facilement appropriables par les villageois, mobilisant peu de moyens financiers et administratifs, et permettent de recueillir et retenir l’eau et d’amorcer la régénérescence des sols. La condition est la mise en défens des espaces traités, qui passe par une forte concertation entre les communautés agraires et les Communes.

 

Pierre-Antoine Landel, chercheur associé en géographie aménagement, UMR PACTE Grenoble.
La meilleure réponse au déficit chronique en eau consiste à expérimenter localement des dispositifs de recueil, de rétention de l’eau afin de régénérer les sols. Ces expérimentations passent par la création d’espaces de délibération, permettant aux acteurs de débattre, de décider et d’agir ensemble. Différents acteurs peuvent être mobilisés. Un chef de file, porteur de 3 types de légitimité : politique (capacité à réunir des acteurs différenciés), technique (susceptible de concevoir et de mettre en œuvre des expérimentations) et de proximité (situé à bonne distance des acteurs du territoire), mais aussi un acteur « articulateur », capable de combiner différentes échelles territoriales, et de gérer des conflits.

 

Abderrazak El Hajri, Directeur de M&D
Sur le Massif du Siroua, Migrations & Développement va prolonger et étendre son appui aux dispositifs de concertation entre les Communes et les communautés agraires afin de développer les aménagements sur le terrain pour faire face au changement climatique. Cette action renforcera les communautés agraires et facilitera l’acquisition du statut d’Aire du Patrimoine Autochtone et Communautaire (APAC) du dispositif PNUD. Cela donnera un écho international à la poursuite de la transformation de la gouvernance du territoire, en lien avec les Communes et dans le cadre des politiques publiques.

 

Jacques Ould Aoudia, vice-président de M&D.
Au total, nous sommes devant un enjeu de démocratie participative, au Sud comme au Nord.
L’eau de qualité disponible pour l’être humain devient une ressource dont on commence à reconnaitre la nature limitée. D’où la nécessité de nouvelles règles de sa gestion. Comme bien commun, c’est au niveau local que l’essentiel des réponses devront être apportées. Ici, là-bas, cela relève d’un immense enjeu démocratique, avec la participation des organisations de la société civile, comme dans le Massif du Siroua, avec les communautés agraires. Un enjeu, finalement, politique à l’heure où la gestion par l’Etat ou par le marché n’offre pas de réponse satisfaisante pour gérer des ressources limitées. L’ère des communs et de la démocratie participative est plus que jamais ouverte !

A visionner :

Le dérèglement climatique à hauteur d’être humain » Regarde mon fils… » – 1 minute, 10 secondes

Et à la suite des aménagements réalisés sur un bassin versant dans le village de Hloukte, les villageois de Tamazirt, proche, ont décidé de reproduire l’expérience. L’objectif commun est de préserver les ressources en eau et revégétaliser les sols de leur territoire de vie. Retour en vidéo sur cette transmission entre pairs. Vidéo de 7 minutes sur l’essaimage du village de Hloukte vers celui de Tamazirt. Sous-titrage en Arabe et en Français disponible sur Youtube

 

Et à consulter ICI « Retenir l’eau pour retenir les hommes et les femmes du massif du Siroua », un guide méthodologique édité par Migrations & Développement et Terre & Humanisme PESI, sur les techniques d’aménagements hydro-agroécologiques en zone de montagne semi – aride.

 

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